Quand plus d’un quart des habitants vote, le budget participatif prend une nouvelle dimension, il n’est plus seulement un outil de participation citoyenne, il devient un programme pour agir sur le vivre-ensemble.
C’est au sommet du Cerro Alegre qui domine la baie de San Antonio que Dania Contreras et son équipe ont convié les délégué-e-s du budget participatif. Ils sont une trentaine en ces premiers jours de mai, venus de tous les quartiers de la ville pour écouter la responsable leur présenter le cycle 2016, mais aussi pour partager leur expérience. Au micro, l’une des délégués profite de l’arrivée du maire, Omar Vera, pour le piquer. Au lancement du projet, il leur a demandé de définir leurs besoins. Il les connaissait pertinemment.
San Antonio, une ville et son port
Du haut du Cerro Alegre, le panorama définit San Antonio, une ville dédiée à son port. En un siècle, elle s’est étendue à son rythme, elle a grimpé les cerros (collines). Lui est aujourd’hui l’un des premiers du pays, avec Valparaiso. Et ensemble, ils n’ont pas fini de croître. A la mairie, des panneaux affichent les perspectives de ce qui sera, dans 20 ans, le futur “méga-port”.
Stabilité politique
Omar Vera a en effet travaillé 30 ans dans l’administration municipale avant de devenir l’Alcalde de San Antonio en 2004. Depuis, il a été réélu par deux fois – la dernière avec plus de 70% des voix. Il se présentera à nouveau en octobre. Le budget participatif aura alors bouclé sa dixième édition. Ce programme, né en 2006, s’est inspiré à l’origine de l’expérience brésilienne. Il est devenu le premier en participation au Chili, avec plus de 23 000 votants : un Sanantonino sur quatre.
Alors que dans le pays, les alternances politiques ont mis fin à nombre de programmes, la stabilité politique a permis ici d’enraciner le dispositif dans le paysage démocratique. Avec les années, son montant a progressé et une équipe s’est formée. Aujourd’hui, ils sont cinq avec Dania Contreras : trois référents et une communicante. Enfin, le jour-J, pas moins 150 fonctionnaires sont mobilisés pour tenir les 75 bureaux de vote (!), sans compter le vote électronique du dispositif dédié aux enfants.
Une école de la citoyenneté
“Nous apprenons. Aujourd’hui, nous savons comment l’argent est distribué. ” retient d’un délégué Camilo Aedo, dans sa thèse sur les budgets participatifs de huit villes de son pays, le Chili, et leur capacité d’empowerment. Dania Contreras y explique : “Aujourd’hui, nous avons des habitants capables de débattre, faire valoir leur critère de choix, s’associer et donner la priorité aux nécessités des autres.” Pour Claudia Roberlo, la directrice du développement social, il s’agit “d’une école de la citoyenneté”.
Un budget participatif créateur de lien social
Avec les années aussi, le budget participatif a tenu des promesses qui, aux yeux des citoyens, ne sont plus tenues par les politiques. Au micro, les délégués des quartiers sont fiers d’énumérer les initiatives qui ont vu le jour. Avec le soutien de la Municipalité, mais surtout grâce à eux. C’est cette rue qui n’est plus un chemin de terre, c’est l’éclairage public qui rassure la nuit tombée, c’est cette aire de jeux qui réunit les enfants du quartier…
Le budget participatif a donné davantage de pouvoir aux habitants. Mais il a aussi donné davantage de pouvoir au maire, Omar Vera. L’Alcalde peut agir sur le vivre-ensemble : “les habitants s’organisent et s’unissent autour de leurs initiatives. Ils apprennent à se connaître, à connaître leurs voisins [et leurs difficultés NDLA]. C’est une manière de créer du lien social, de l’identité au sein des quartiers.”
Au micro, une déléguée résume l’état d’esprit et la mobilisation nés du budget participatif : “On est là pour gagner. Et on gagne parce qu’on est organisés.” Cependant, cette capacité à s’organiser n’est pas seulement apparue au fil des éditions du programme, elle a aussi su s’appuyer sur un réseau antérieur et qui n’a pas de réel équivalent en France : “les Juntas de vecinos”.